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Revue de Management et de Stratégie
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CoSpirit, ou la communication locale à l’ère du digital

Entretien avec Florian Grill, Président et fondateur de CoSpirit




La Rédaction


Imprimés publicitaires, affichage classique et longue durée, achat d’espace en PQR… A rebours des idées reçues, Internet n’aura pas eu raison de la communication locale. Au contraire, le web a élargi le champ des possibles pour les acteurs qui ont su faire du digital un accélérateur de performance. C’est le cas de CoSpirit, notamment, devenu leader français de la communication « de proximité » en conjuguant culture entrepreneuriale, solutions sur-mesure, et innovation sur le terrain. D’ailleurs les enseignes à réseaux, nous explique son président Florian Grill, en redemandent. Zoom sur la communication locale, meilleur et plus vieil allié du retail.




Florian Grill, Président et fondateur de CoSpirit
Florian Grill, Président et fondateur de CoSpirit

Vous avez fondé CoSpirit en 1994, et avez vécu de l’intérieur la révolution digitale des métiers de la communication. Internet a-t-il sonné le glas de la communication locale telle qu’on la connaissait dans les années 90 puis 2000 ?

Les supports locaux de communication les plus traditionnels que sont les catalogues, l’affichage permanent ou temporaire, la presse locale ou la radio locale restent la base de toute action de communication locale pour nos clients enseignes à réseau comme Carrefour, Brico Dépôt, Castorama, ou Grand Vision par exemple. Nos clients peuvent aussi nous demander de monter quelques opérations hors media ou événementielles. L’efficacité des media traditionnels n’est donc pas du tout remise en cause.  Par contre, il y a maintenant un volet digital dans toutes les stratégies de communication locale que nous construisons pour nos clients, même si ce volet digital est en réalité complémentaire et ne se substitue pas aux supports plus traditionnels. En l’espèce, le digital nous permet d’ouvrir de nouveaux horizons en touchant une audience à la fois plus large et plus qualifiée, tout en nous adaptant à son environnement de consommation, notamment grâce aux solutions digitales mobiles.

Comment, concrètement, ces synergies sont-elles mises en œuvre au profit des annonceurs ?

Prenons d’abord l’exemple du catalogue distribué en boîtes aux lettres. L’enseigne Leclerc avait prédit sa disparition. Depuis cette annonce retentissante, le catalogue s’est renforcé et aucun adhérent n’a suivi la « prophétie » de l’enseigne.  La force principale du catalogue, c’est sa puissance locale car on peut potentiellement toucher 100% des foyers d’une zone de chalandise, ce que le digital n’offre pas encore. Pour autant, les catalogues digitaux sont intéressants en complément du catalogue distribué en boîtes aux lettres pour les clients ou prospects qui ne veulent pas recevoir de papier, ou pour des zones plus difficiles d’accès ou plus éloignées du point de vente.

Autre exemple : l’affichage permanent et les panneaux directionnels qui indiquent la direction des magasins. Des solutions digitales comme Waze sont intéressantes en complément sur des zones touchées par le Grenelle de l’environnement où les panneaux sont plus rares. On peut aussi utiliser Waze pour communiquer pendant les périodes estivales sur des zones de transhumance. Mais si Waze est un très bon complément, ce n’est pas le cas pour tous les magasins. Il y a là aussi une problématique de puissance et de couverture. Waze touche aujourd’hui 7 à 8 millions d’utilisateurs alors que le parc automobile compte près de 40 millions de véhicules en France, au 1er janvier 2016. Et la couverture de Waze n’est pas homogène sur l’ensemble du territoire... 

Les métiers de la communication locale ont donc bien évolué en l’espace de quelques années. Qu’est-ce qui les distingue le plus des agences media traditionnelles ?

La communication locale est un univers de très grande complexité auquel les Big 6 (Havas, Publicis, Aegis Dentsu, Omnicom, WPP, Interpublic) s’intéressent peu. Concrètement, quand nous travaillons avec une enseigne comme Carrefour - et c’est là un premier facteur de complexité -, nous n’avons pas un interlocuteur unique qui serait le siège, mais autant d’interlocuteurs que de magasins. Cela nous amène à imaginer des organisations ad hoc. Nous disposons par exemple d’un PCM (Pôle Conseil Magasins) d’une vingtaine de personnes qui interagit par téléphone avec les magasins.

Le second facteur de complexité réside dans la profusion des supports locaux : on en compte près de 15 000 sans parler des solutions digitales à l’infini et des dispositifs événementiels tout aussi nombreux.

Le troisième facteur de complexité est administratif car nous gérons une multitude d’achats de petits montants. Nous faisons en fait un travail de fourmi qui nous a forcés à lisser tous nos process. Pour cela, nos équipes de développeurs ont créé des outils digitaux pour industrialiser notre organisation et fluidifier les échanges entre notre PCM et les magasins.

Le 4ème et dernier facteur de complexité est la nécessité de savoir agir sur le terrain. Nous disposons pour cela d’un réseau de 230 inspecteurs qui couvre l’ensemble du territoire, et d’un réseau de 10 000 mobinautes qui réalisent pour nous des missions de terrain. Notre démarche locale est donc très éloignée de l’ADN des Big 6 qui sont concentrés sur les grands media et n’ont pas cette culture de précision du local.  

Quels sont les formats, les supports et les canaux de la communication locale ?

Pour les enseignes à réseaux, le catalogue distribué en boîte aux lettres reste la base. Il est structurant pour toute l’organisation du commerce. L’affichage permanent est également indispensable pour « marquer son territoire » car si le premier « panneau » reste le magasin lui- même, une enseigne voudra guider les clients vers son point de vente avec les panneaux directionnels qui permettent d’assurer une présence en fil rouge, tout au long de l’année, sur la zone de chalandise du magasin.

La présence sur les carrefours d’audience digitale est tout autant primordiale, mais c’est une action permanente de visibilité car de plus en plus de clients préparent leur visite sur internet avant de se rendre en point de vente.

La communication locale (presse, radio, affichage temporaire) sera pour sa part utilisée lors de « moments de vie » du magasin. Les opérations événementielles ou encore le « street marketing » sont un relai souvent incontournable pour soutenir des opérations promotionnelles ou des ouvertures de magasins.

Enfin les dispositifs digitaux, qu’ils soient sociaux, thématiques, affinitaires ou encore mobiles se développent de plus en plus à l’échelle locale.

Quel est le terrain sur lequel se déroule désormais la compétition entre les agences de communication locale ?

Nos concurrents sont rarement des agences de communication locale globales, mais plutôt des agences spécialisées dans une catégorie de media ; ce qui correspond, selon nous, à une vision « en silos » - donc quelque peu restrictive ! - des besoins des magasins. Notre force, chez CoSpirit, réside dans la prise en charge globale des besoins des magasins, qui trouvent en nous un interlocuteur unique pour toutes leurs actions de communication locale.

Pour donner corps à cette proposition de valeur, l’innovation permanente et la posture entrepreneuriale du métier sont essentielles chez CoSpirit. Elles permettent en effet de bien comprendre la singularité des besoins de chaque magasin tout en déployant des solutions techniques parmi les plus avancées, et surtout éprouvées sur le terrain.

Nous avons ainsi développé une plateforme en ligne qui fonctionne comme un site marchand, où les magasins d’une enseigne peuvent commander et personnaliser tous leurs supports de communication locale : banderoles, flyers, stickers, kakémonos... Plus de 6000 magasins y sont connectés et nous gérons en ligne plus de 180 fournisseurs avec la force de la mutualisation des achats pour nos clients. 

CoSpirit est aujourd’hui le N°1 de la communication locale en France. Quels sont vos prochains objectifs ?

Notre ambition est européenne. Nous avons la chance de partir de France, qui est l’un des pays du retail. Nos clients nous emmènent d’ailleurs avec eux à l’étranger, où ils nous demandent de déployer des solutions de communication locale. Nous avons ainsi éprouvé nos solutions digitales en Italie, Belgique et Espagne. Notre objectif  désormais est de devenir N°1 de la communication locale en Europe. 

Vos clients français sont donc de précieux alliés de votre ambition européenne… Comment s’adapte-t-on à un environnement media étranger lorsqu’on est un acteur français de la communication locale ?

Il faut éviter deux écueils majeurs : arriver en terrain conquis, et se contenter de transposer ailleurs ce qui a déjà marché en France. Notre culture entrepreneuriale est avant tout une culture de l’adaptation et du terrain, qui nous impose de faire preuve d’humilité. En cela, notre démarche opérationnelle sur-mesure et « bottom up » nous distingue des agences fonctionnant sur un modèle top-down, qui consiste à déployer des outils, des méthodes et des process standardisés au mépris, parfois, des attentes spécifiques de leurs clients.

Concrètement nous avons commencé à déployer en Europe des solutions digitales pour optimiser les stratégies de nos clients autour des catalogues. Notre plateforme en ligne est appelée à se développer à l’international également. Pour les media locaux, nous n’hésiterons pas à faire appel aux partenaires de MediaTrack (notre agence media) dans le cadre du réseau international d’agences media indépendantes LocalPlanet que nous avons lancé. 

Le développement de CoSpirit repose en grande partie sur le niveau d’exigence opérationnelle auquel vous demandez à vos collaborateurs d’adhérer. Comment s’accommodent-ils de tous ces nouveaux challenges ?

L’exigence opérationnelle chez CoSpirit est proportionnelle à notre engagement de résultat vis-à-vis de clients eux-mêmes exigeants, et c’est légitime. Quand on travaille au quotidien avec des directeurs de magasins, on est forcément ancré dans le concret, et la précision devient une seconde nature. Il est donc impératif pour nos collaborateurs de faire montre de capacités d’écoute, de conseil et de compréhension des besoins des clients, aussi singuliers soient-ils. De la sorte – et c’est là une heureuse contrepartie -, nos collaborateurs développent avec nos clients une relation de confiance, de proximité et de long terme, ce qui renforce leur engagement et leur réactivité. Les clients, pour leur part, y trouvent un gage de sérénité : ils savent que le boulot sera fait avec soin et qu’il sera conforme à leurs attentes. Le climat interne de solidarité et de cohésion, ainsi que le sens collectif des responsabilités que nous avons voulu instaurer chez CoSpirit, y est à mon sens pour beaucoup.