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Le livre est-il encore le support privilégié de l'éducation ?




Anne Brunet


Le livre dans le domaine de l'éducation, c'est d'abord le manuel scolaire. Un objet universel et familier qui passe entre les mains de tous les enfants scolarisés. Le manuel scolaire est à la fois le reflet de la philosophie éducative d'un pays et un outil pédagogique au service des programmes officiels d'acquisition de connaissances. Avec l'avènement du numérique et des nouveaux modes d'apprentissage, le livre et plus particulièrement le manuel scolaire est-il devenu obsolète ?



Crédit : Flickr/brewbooks
Crédit : Flickr/brewbooks
La tradition du manuel scolaire est ancienne. Chaque année, les éditeurs envoient aux enseignants les spécimens des manuels mis à jour des dernières nouveautés des programmes scolaires. L'enseignant fait son choix et se servira du ou des manuels sélectionnés tout au long de l'année, à la fois comme outil au service de sa pédagogie mais également comme d'un soutien qui lui permet de se situer par rapport à ce qu'il faut enseigner.
 
Découvrir, réfléchir, comprendre et concevoir
 
Du côté des élèves, le manuel est bien souvent le premier ouvrage qui lui permet de se familiariser avec les livres (en plus des livres pour enfant qu'il a côtoyés avant l'école primaire). Il est une invitation à découvrir, à lire, à réfléchir. Les écoles le savent bien. Celles qui en ont les moyens aménagent des "coins bibliothèques" dans leurs classes pour pousser le plus loin possible le goût de la lecture chez les enfants. En plus d'être intéressant pour son contenu, le manuel permet à l'enfant d'appréhender la structure d'un texte, à retrouver des éléments, à utiliser une table des matières, un index... Il est une somme de connaissances structurées, lesquelles sont plus faciles à manipuler sous cette forme que sous la forme de photocopies éparses ou fichiers informatiques sans liens entre eux. Enfin, pour les parents, le manuel est un objet rassurant. Il leur permet de suivre le programme, de prendre connaissance de ce qui est attendu en terme de mémorisation de notions et propose souvent des exercices adaptés. Il est donc un lien entre l'établissement scolaire et les parents.
 
Tant que le livre numérique n’était qu’une copie du manuel papier, les enseignants ne s'y intéressaient pas beaucoup, ces objets n'ayant que peu d'intérêt pédagogique pour eux et pour les élèves. Le coût des dispositifs interactifs a aussi freiné bien des velléités de progrès. Les éditeurs se sont adapté et ont expérimenté sur le terrain du numérique dès l'an 2000 avec l'opération « Un collégien, un ordinateur portable » où des collégiens ont reçu des ordinateurs sur lesquels étaient préchargés des contenus pédagogiques interactifs. Des questions n’ont pas manqué de se poser immédiatement : fallait-il imposer aux enfants un écran de plus ? Ne risquait-il pas d’y avoir une confusion entre les supports multimédias à buts ludiques, de plus en plus répandus chez les enfants dès le plus jeune âge, et ceux à finalité éducative ? Est-il judicieux d’interposer une machine entre l’élève et le professeur ? Toutes ces questions n’ont pas encore trouvé leur réponse, car nous manquons encore de recul sur ces nouvelles pratiques. Mais rien n’empêche d’expérimenter. Si le succès des MOOC (Massive Open Online Courses) tend à faire croire que certains choix ont été les bons, l’essentiel du chemin reste pourtant à faire : en 2014, « seulement 64% des écoles élémentaires (françaises) disposent d’un débit supérieur à 512 Kb et 93% n’ont aucune ressource éditoriale en ligne mise à disposition des élèves », peut-on lire sur l’Obs.
 
Depuis l’an 2000, les expérimentations se sont pourtant succédé, dont celle d'intégrer des manuels numériques à des liseuses. Jusqu'en 2010 environ, les manuels papiers ont été complétés par des ressources numériques que l'enseignant pouvait télécharger et mettre à la disposition de ses élèves. Mais le réel essor du manuel numérique est lié au lancement, fin 2010, du plan national de développement des usages du numérique (DUNE) qui avait pour objectif de financer du matériel informatique et technologique dans les établissements scolaires. Le marché du manuel numérique a du coup connu une belle croissance en 2012.
 
Une belle embellie pour le manuel numérique
 
Aujourd'hui, l'ensemble des éditeurs scolaires français est passé au numérique. Bordas et  Nathan proposent par exemple toute une collection de manuels numériques enrichis de contenus multimédias. En plus d'être proposés aux enseignants, ils ont été commercialisés directement aux particuliers à la rentrée 2013, sur ordinateurs et sur tablettes, pour un prix bien inférieur à leur version papier. De son côté, la maison Belin, avec son manuel numérique Lib'Belin propose des manuels accessibles sur tablettes, via vidéoprojecteur et sur TBI (tableaux blancs interactifs), et synchronisables en un clic. Mais la principale innovation vient probablement de chez Hachette Education qui propose à l'enseignant un sorte de kit pédagogique baptisé "Classe virtuelle 2.0 " lui permettant de réagencer le manuel numérique et de le compléter de documents audiovisuels qui lui sont propres ou qu'il aura préalablement sélectionnés pour recréer un manuel correspondant davantage à son projet d'enseignement. Ce manuel est ensuite mis à la disposition de ses élèves, lesquels allègent au passage le poids de leur cartable...
 
Les détracteurs du livre comme support à l'éducation soutiennent que ce dernier va disparaitre à mesure que d’autres sources d’information, liées à Internet, sont utilisées pour les travaux scolaires. Pourtant, c'est bien l'enseignant qui incite ses élèves à prendre l'initiative de s'informer par eux-mêmes, à rechercher des documents. Si le livre scolaire cesse effectivement, dans ce contexte, d'être la référence unique, et s’il perd une partie toute relative de son autorité, il ne saurait disparaître pour autant. Même si de nombreux autres moyens d'enseignement font leur apparition grâce au numérique et facilitent la circulation des savoirs, ceux-ci ne font, pour l'instant, que compléter le manuel scolaire qui reste encore un référentiel de connaissances indispensable dans le monde de l’éducation.
 
 


Anne Brunet




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